Position de Syndibasa: Grève pour l'Avenir

par faubern

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Position de Syndibasa - Grève pour l’Avenir, 21 mai 2021

Nous appuyons, cette Grève et appelons tous les collectifs à se mobiliser.

La question écologique est, de plein pied, dans la question sociale. L’environnement, la manière dont nous y vivons, conditionne toute notre existence, au travail et hors travail. C’est la question de notre accès au bien commun écologique.

La lutte contre la crise climatique, pour la transition écologique, pour le bien commun que constitue la Terre, tout cela participe de la construction de la puissance sociale du salariat, de la lutte générale pour l’émancipation.

Le bien commun écologique, c’est un environnement répondant aux besoins sociaux de toutes et tous. Il s’agit de faire croître notre capacité d’agir, notre pouvoir d’orienter et de conditionner les « grandes politiques », pour imposer nos objectifs propres, libérer nos conditions d’existence collectives et individuelles, améliorer la qualité de notre vie. Notre action s’inscrit dans une confrontation de longue durée. C’est la question de notre intégrité, de notre santé, de notre « être au monde » qui est en jeu.

Le refus du sacrifice

Notre société vit une contradiction entre la défense de notre intégrité, de notre auto-détermination et la volonté du bloc dominant de nous faire payer les crises environnementales, sanitaires et sociales, de gouverner la transition écologique et donc de franchir un seuil nouveau dans la domination, le contrôle et l’asservissement du plus grand nombre.

Nous refusons de sacrifier notre intégrité, notre santé, notre liberté critique pour permettre à l’ordre dominant de durer et de se renouveler. Nous refusons de payer les crises.

Les questions du salaire, des conditions de travail, des droits fondamentaux du salariat convergent en une revendication générale d’un monde qui ne soit pas blessant, dangereux et dégradant pour les majorités sociales.

Pour nous, la transition écologique, indispensable, n’est pas une voie fermée dont les outils et les dispositifs nous sont imposés. Nous ne croyons pas plus que la catastrophe soit l’horizon inévitable si nous ne faisons pas ce que nous commande un certain nombre d’appareils politiques.

Dans la question écologique, comme dans la question sociale en général, le salariat, le bloc social du travail tout entier et les classes populaires s’organisent et luttent pour prendre leur destin et donc notre Terre en main.

La prétention des appareils

A l’approche de la grève du 21 mai, des appareils politiques qui prétendent savoir s’agitent. Ils tentent d’occuper la place, de conquérir l’hégémonie, de lier l’action contre la crise climatique à leurs desseins de pouvoir. Elections, initiatives, motions et postulats, l’activité parlementaire et institutionnelle sont toujours au premier plan pour la gauche et l’écologie politiciennes. La lutte sociale toujours reléguée au second. Elle doit se limiter à adhérer à des discours extérieurs, élire des candidat.e.s et soutenir l’action institutionnelle. La base est toujours « informée », « consultée », « invitée » à participer mais dans les limites étroites d’un relais pour la « vraie » politique.

Lorsque ces appareils parlent de l’importance du mouvement social c’est parce qu’ils s’estiment, presque naturellement, représentatifs du mouvement social. Peu importe ce que dit ou fait le mouvement de la contestation et des luttes, ce sont eux qui sont appelés à en traduire les aspirations en objectifs réalistes. Ce sont toujours les appareils qui « savent » quoi faire.

Nous refusons cette conception verticaliste. La politique parlementaire et institutionnelle joue son jeu. Elle peut trouver ou pas une efficacité ponctuelle, mais, pour nous l’essentiel est tout autre. Le mouvement à la base, avec sa démocratie en construction permanente, n’est pas un simple espace de consultation ou un relais. C’est le cœur de la liberté critique, de l’élaboration alternative, de la lutte, du protagonisme de notre camp, de notre contre-pouvoir.

Sur le terrain écologique, comme dans toute la question sociale, l’indépendance du mouvement social et syndical, de ses organisations est au cœur de notre conception. Aux antipodes de la politique menée par les appareils sur la question climatique, le syndicalisme de base veut apporter sa contribution à la construction d’une écologie populaire.

Lier pour avancer

Ceci implique un travail de lien entre les revendications classiques (conditions de travail, salaire, droits, etc.) et les revendications écologiques : droit d’accès au monde et amélioration des conditions générales d’existence environnementale. Pour faire le pont entre ces deux blocs d’objectifs, il nous faut mettre au centre l’exigence de la santé, de l’intégrité, de l’auto-détermination des personnes et des collectifs qui, par leur travail, permettent la production et la reproduction de la société, créant toute la richesse sociale.

Le système et ses conditions générales doivent changer. La question écologique nous permet de mesurer combien cette transformation doit être profonde et radicale. La question sociale nous en donne l’envergure générale, l’exigence indépassable et le moteur indispensable. C’est bien de l’émancipation humaine qu’il s’agit.

L’invocation abstraite de la révolution ou de l’anticapitalisme ne nous donne pas une stratégie pour le mouvement de base. Nous devons avancer à coup de grandes batailles sociales et politiques, avec des objectifs souvent partiels qu’il faut tisser et retisser en alternative. C’est une lutte de longue durée. La question centrale n’est pas de mettre en ordre de bataille le bloc populaire sous le commandement de généraux intelligents, mais bien de construire, pas à pas l’autonomie de pensée et d’action qui émancipe l’humanité et l’environnement. C’est cette construction systématique et consciente qu’il faut engager et gagner. Elle passe par la construction des organisations populaires et notamment par le déploiement du syndicalisme de lutte, donc en dernière instance, du syndicalisme de base.

Il n’y aura pas d’avancée authentique sur la question écologique sans une défense intransigeante du salaire, des conditions de travail, de notre droit à l’autodétermination face à l’économie des privilèges et du profit, face aussi au pouvoir séparé qui veut nous imposer, depuis le haut, des choix, des objectifs et des chemins.

Prendre en main la question écologique

Le dérèglement climatique est à la fois l’occasion et le moteur d’une profonde dégradation et d’une attaque radicale contre les conditions de travail. Il faut opposer à cette dégradation la résistance la plus profonde et la plus large. Nous refusons de nous laisser mutiler, détruire, mobiliser comme de la chair à profit, enfermé.e.s dans la soumission et le statut subalterne.

La course de fond du système qui saccage la planète est en même temps une course pour le pouvoir illimité, le contrôle total, avec notamment l’assignation à l’outil numérique, la mobilisation incessante qui fait entrer la précarité partout, dans tous les éléments de la vie individuelle et sociale. Par exemple, la lutte des collectifs de travail contre la gestion informatique et automatisée des activités est bel et bien une lutte écologique.

Quelques éléments stratégiques

La critique classique de la société de consommation, avec son gaspillage, ses produits inutiles et ses désirs manipulés se pose aujourd’hui avec une acuité nouvelle, face à la crise écologique.

Le capitalisme globalisé, avec ses structures de production et d’échanges a un coût écologique et social très souvent insupportable. Nous sommes partisans de relocaliser autant que nécessaire pour une production faite au plus près des besoins sociaux et écologiques. Nous disons cela sans fétichisme nationaliste ou régionaliste. Le souci du bien commun écologique nous fait percevoir combien les ressources sont mal distribuées sur la planète et devraient faire l’objet d’un échange et d’un partage équitable plutôt que du « commerce libéral » et du marché « libre ».

Maitriser le tout technologique

Les techniques de décarbonisation (par exemple la production des véhicules électriques) peuvent nécessiter de détruire et de polluer de vastes territoires (par exemple pour le lithium ou d’autres matières premières). L’électronique « superflue » est souvent excessivement redondante. La rationalisation dans l’usage des ressources exige qu’elle soit réduite et contenue. Il faut maintenir une certaine logistique d’urgence face aux situations de rupture et de crise mais, pour les produits du quotidien et la consommation courante, nous n’avons pas besoin d’une logistique aussi rapide et aussi dense. La dynamique des flux tendus et de la « lean production » nous contraint de partout. Il faut s’en émanciper. Il faut revenir à un niveau raisonnable, respectueux des rythmes et de la qualité pour tout ce qui concerne la reproduction de la nature.

Les techniques doivent être repensées, redimensionnées, voire transformées radicalement. Toute société doit affronter le problème de la technique dans son rapport à l’écologie, mais pour l’heure, aucune technologie ne peut résoudre les problèmes que le système produit systématiquement dans son développement et ses mutations. Il faut donc exercer une pression permanente et une lutte pour des alternatives sur ce terrain. Pour sortir de la logique marchande et de la surproduction, pour rendre les produits durables dans le temps, pour restructurer les méthodes d’extraction et de traitement, il faut une confrontation permanente avec le système, ses normes, ses usages et son imaginaire.

C’est le salariat et le bloc populaire qui détiennent la puissance sociale et la capacité de mobilisation pour orienter de manière progressiste et émancipatrice la transition écologique, donc pour modifier radicalement les normes de productions et l’organisation du travail.

La construction et ses questions

Le secteur de la construction est sans aucun doute l'un des principaux responsables de la crise climatique, mais nous devons continuer à construire, voire mieux, à transformer et à rénover, éradiquer la pénurie de logements dans de nombreuses villes. D'un point de vue climatique et environnemental, il est nécessaire de freiner l'étalement urbain, de construire moins de maisons individuelles et plus d’habitat collectif. Il faut mettre au point des techniques et des processus de production qui permettent de s'en sortir avec moins de béton et sans causer d'immenses dommages à l'environnement. Nous disposons d’alternatives telles que la construction en bois ou l'exploitation raisonnée des carrières. Une diversification des matériaux de construction est nécessaire, mail il faut aussi démolir moins souvent les bâtiments, les rénover, les surélever et les isoler. De surcroît, les parties des anciens bâtiments, comme les revêtements de façade, les briques, les planchers et les poutres, devraient être systématiquement réutilisées pour les nouveaux bâtiments. Du coup, il y a une lutte à ouvrir pour que les promoteurs soient contraints de ne construire que des bâtiments qui peuvent être réutilisés après leur temps d’usage, avec une faible dépense d'énergie et qui peuvent donc être recyclés.

Mobilité et transport gratuit

Nous défendons la conception d’un transport populaire, gratuit et socialisé. Cela implique pour chacun·e le droit à la mobilité. L'étalement urbain, la construction et l'entretien des voies de transport et la mobilité contrainte, telle que l’impose le système nuisent à notre santé et aggravent la crise climatique.

Il faut repenser le lien entre lieu de domicile et lieu de travail. Les transports publics doivent correspondre aux besoins sociaux et diverses conditions d’existence, collectives et personnelles. Dans ce cadre, les entreprises doivent assumer, directement ou indirectement le transport des salarié.e.s, du domicile au travail, aller et retour, en complément des prestations des transports publics.

Si nous nous opposons à la mobilité contrainte sur le chemin du travail, nous prônons un droit à la mobilité pour tou·tes. Une mobilité significative doit être abordable pour chacun·e, ce qui n'est possible qu'avec un système de transport public, généralisé et gratuit, qu’il s’agit donc de développer. Généralisé signifie que les modes de transport sont disponibles pour tous les besoins, qu'ils sont reliés entre eux, comme les mailles d’un filet et qu'ils couvrent donc tout le territoire, des déplacements sur de longues distances à la distribution fine dans les régions et les localités. C'est pourquoi les taxis doivent également être inclus dans le cadre général des transports publics.

Transports et distances

La gratuité des transports publics n'est pas une revendication irréaliste. Le transport local par route et par rail est déjà très majoritairement financé par l'État, c’est-à-dire par notre effort commun.

Le transport de marchandises sur les moyennes et longues distances devrait être impérativement transféré vers le rail. Pour y parvenir, le transport routier, par ses entreprises, doit dès maintenant cofinancer les coûts d'infrastructure et d'énergie, à la même hauteur que le transport ferroviaire

Il faut, naturellement, mettre sur pied un plan social de requalification et de transfert des personnels du transport routier au rail et au fluvial.

Une réduction relative du coût du transport ferroviaire de marchandises apportera des améliorations non seulement dans le bilan climatique, mais aussi dans les nuisances sonores, les conditions de travail et la sécurité des transports.

Le transport individuel motorisé devrait être fortement réduit, par exemple dans le trafic entre les grands centres. Mais il peut contribuer à garantir la mobilité dans les zones où un réseau de transport dense ne peut être déployé qu'au prix d'une immense dépense de ressources. Prenons en compte les conditions des régions faiblement peuplées ou les situations de trajets pour le travail de nuit. Pour organiser ce recours incontournable au transport individuel motorisé, des flottes de différents types de véhicules doivent être mises à la disposition des communes et utilisées de manière mutualisée et coopérative. En dernière instance, ces véhicules à utilisation individuelle ou en petit groupe, doivent s’intégrer dans le système généralisé de transport public gratuit.

Le transport aérien, sur les courtes et moyennes distances, peut être facilement remplacé par d'autres modes de transport, comme le chemin de fer, mais cela n'est pas possible sur les longues distances, notamment entre les continents. Dans l'esprit du droit à la mobilité, le transport aérien ne devrait ni être complètement éliminé ni être rendu prohibitif par son prix jusqu'à ce qu'une alternative plus viable soit développée.

La question de la durée des transports longue distance nous renvoie directement à celle de la conquête du temps libre.

Sécurité sociale alimentaire

Dans le même ordre d’idée que le transport populaire, nous défendons le projet d’une sécurité sociale alimentaire qui garantirait à chacun·e une alimentation de qualité, saine et abondante, prenant sa place la défense d’une santé générale. Les restaurants d’entreprise et les cantines dans les diverses institutions publiques pourraient servir de point d’appui à la construction de tels modèles. Ils seraient progressivement associés à des réseaux de marchés publics à prix garantis, à des coopératives de consommation et à d’autres associations liées à l’organisation territoriale. La cotisation sociale servirait de base au financement de ces prestations, donc le capital et les entreprises privées seraient contraintes à financer, sur la base de leur valeur ajoutée.

Un tel service garantirait des conditions de travail et de salaire dignes à toute la chaîne de production et de valorisation alimentaire, donc au paysan·nes, aux travailleur·euses agricoles et aux salarié·es de la restauration et de la distribution.

En indépendance de la production pour le marché, les paysan·nes et les travailleur·euses agricoles remplissent une fonction de service public et de bien commun. Leur revenu, leur salaire et leur condition de travail doivent donc être garantis face aux contraintes du profit et des intérêts de l’agro-capitalisme.

Démocratisation, socialisation et autogestion du service public

La construction d’une politique émancipatrice sur la question environnementale, le bien commun écologique, exige à la fois le développement et la transformation du service public.

Le service public est une entité contradictoire, traversée par les conflits et les rapports de force entre bloc dominant et bloc populaire. Tout est sans cesse en jeu et en question : financement, organisation et division du travail, droits et conditions des salarié·es qui y œuvrent, possibilités d’intervention des bénéficiaires et usagers/ères.

Sans une intervention populaire permanente et en extension, nous ne pouvons en envisager la démocratisation. La démocratisation veut dire socialisation, intervention croissante des travailleur·euses et des usager·es, prééminence de l’intérêt général et de la démocratie de base, donc autogestion.

Coopératives autogérées de transition écologique et d’utilité sociale

L’intervention populaire et l’extension du service publique nous ouvre la perspective des coopératives autogérées.

Les chocs et les coûts liés aux dérèglements climatiques, aux crises environnementales et aux ruptures de tous ordres, y-compris les éléments relevant de la transition écologique ne doivent pas être assumées par le salariat et le bloc populaire.

A l’heure actuelle, l’assurance chômage et l’aide sociale surveillent et punissent les travailleurs et les travailleuses sans emploi. Elles les assignent, leur chevillent la précarité au corps. Tout ça avec l’argent de nos cotisations. Sans compter le secteur privé qui se fait arroser de subventions parce qu’il « aide » à retrouver de l’emploi. Cet argent doit servir à créer des coopératives autogérées de transition écologique orientées vers l’utilité sociale et doit aussi servir à véritablement former les sans-emplois pour ces coopératives.

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